Réflexions partagées

La peur

« Un mois de mai viendra peut-être où… les hommes se demanderont: comment ai-je pu avoir si peur?  » 
Vladimir JANKELEVITCH, « Le Je-ne-sais-quoi et le presque rien »
(Paris, Le Seuil,1980).

Issu de notre instinct animal, originellement, la peur était un signal avertissant que la vie était en danger. La peur était alors indispensable à la survie physique, liée à un danger réel et reconnaissable, à une question de vie ou de mort. Faisant affluer le sang vers les muscles des jambes, augmentant la sécrétion d’hormones, mettant le corps en alerte et lui donnant des forces, elle le préparait à agir, que ce soit en fuyant ou en affrontant.

Dans les sociétés occidentales, il est extrêmement rare que notre survie physique soit menacée. Pourtant, la peur demeure très présente : peur d’être seul, peur de l’autre, peur d’être quitté, peur d’être trahi, peur de ne pas être aimé; peur de perdre son emploi, son logement; peur de la maladie, de la vieillesse, de la folie, de l’immobilité; peur de l’étranger, de l’ailleurs, de l’inconnu…
… et nous disposons d’une grande variété de mots pour l’évoquer: trac, crainte, inquiétude, appréhension,  stress, angoisse, phobie, frayeur, effroi, panique, épouvante…

A quoi donc est utile la peur aujourd’hui? Comme dans le passé, elle garde un rôle d’information. Si elle ne nous renseigne plus sur la présence d’un danger menaçant notre survie physique, elle nous alerte d’un danger pesant sur d’autres sortes de survie: sociale, affective, psychique…
C’est la peur de mourir à soi, de ne plus être soi, de perdre, non plus la vie, mais ce qui fait que nous nous sentons nous, que nous nous reconnaissons et sommes reconnus par les autres. 

Quand donc surgit cette peur?  La peur peut être associée à l’absence de repères. Quand un changement survient ou se profile, quand nous nous imaginons dans une situation inconnue, inédite et que nous 

doutons de nos capacités d’y faire face, de nous y adapter, alors nous avons peur. 

 Mais derrière toute peur, il y a une envie. Nous sommes tiraillés entre l’inconnu qui éveille notre curiosité et la peur qui nous invite à rester à l’intérieur du connu.

La peur signale ainsi un manque de sécurité interne qui peut nous conduire à l’immobilité. Nos peurs doivent être considérées avec intérêt; elles méritent toute notre attention car elles peuvent nous aider à repérer nos envies et à être plus dans le respect de soi.

N’ayons donc pas peur d’avoir peur.

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